Paysages

LAC DE SAINTE-CROIX-DU-VERDON

Le paysage du lac de barrage de Sainte-Croix, construit en 1973, est ordonné par des éléments de nature puissants, dotés d’un grand caractère : impressionnantes saillies verticales de calcaire blanc ; plateau karstique entaillé d’un canyon vertigineux plongeant dans les eaux turquoise du Verdon ; formations végétales de chênes verts, de buis et de genêts cendrés ; espaces cultivés et pâturés concentrés sur le plateau de Valensole depuis la mise en eau du lac… Depuis le Paléolithique, l’Homme le parcourt et le met en valeur en le cultivant (céréales, olivier, truffe), en élevant du bétail ou [...] Lire plus


Le paysage du lac de barrage de Sainte-Croix, construit en 1973, est ordonné par des éléments de nature puissants, dotés d’un grand caractère : impressionnantes saillies verticales de calcaire blanc ; plateau karstique entaillé d’un canyon vertigineux plongeant dans les eaux turquoise du Verdon ; formations végétales de chênes verts, de buis et de genêts cendrés ; espaces cultivés et pâturés concentrés sur le plateau de Valensole depuis la mise en eau du lac… Depuis le Paléolithique, l’Homme le parcourt et le met en valeur en le cultivant (céréales, olivier, truffe), en élevant du bétail ou en bâtissant des villages resserrés aux pieds de falaises ou de pitons rocheux. À la fin du XXe siècle, il le transforme radicalement en y aménageant un des plus grands lacs de barrage hydro-électriques de France.
À la frontière des départements du Var et des Hautes-Alpes, Sainte-Croix achève au sud-est la série des 5 grands lacs alpins relevant de la loi Littoral. Chaque été, plus d’un million de visiteurs découvrent les gorges du Verdon et profitent des activités nautiques et balnéaires promises par les 2 000 hectares du lac. Malgré l’attention dont il est l’objet, le site reste ainsi très exposé à la banalisation de ses paysages et de ses milieux.
En complément des nombreux outils de préservation mis en place par l’État et les collectivités territoriales, le Conservatoire du littoral travaille à maintenir les grands équilibres environnementaux et paysagers du plan d’eau et de ses abords. Aujourd’hui, ils dépendent notamment d’une bonne maîtrise de la fréquentation touristique, du maintien de l’agriculture traditionnelle et de l’élevage, et de la neutralisation de la pression immobilière qui se développe le long les rives du lac.

Regards d'artistes

Saint-Marcel Eysseric, Gorges du Verdon, 1860 - début XXe siècle
Archives départementales des Alpes de Haute-Provence, 31 Fi 0978, fonds Saint-Marcel Eysseric
« Mais si, au lieu de tourner à gauche, dans cette petite route de la Nouguière, on continue tout droit à travers le Canjuers, d’ondulations en ressauts on arrive finalement à un étrange balcon. Malgré la marche du vent, la vétusté de la lumière et le vernis des couleurs, on avait pu jusque-là se croire en plaine et soudain, sans avoir jamais monté (…), on se trouve guindé au-dessus d’un vide profond et d’un espace immense. C’est que, ce massif de Barjaude, de l’Aigle, de Peygros, de Beau-Soleil, de la Sioune, de Chamail, dans le plateau duquel on était porté, est celui que le Verdon tranche [...] Lire plus

« Mais si, au lieu de tourner à gauche, dans cette petite route de la Nouguière, on continue tout droit à travers le Canjuers, d’ondulations en ressauts on arrive finalement à un étrange balcon. Malgré la marche du vent, la vétusté de la lumière et le vernis des couleurs, on avait pu jusque-là se croire en plaine et soudain, sans avoir jamais monté (…), on se trouve guindé au-dessus d’un vide profond et d’un espace immense. C’est que, ce massif de Barjaude, de l’Aigle, de Peygros, de Beau-Soleil, de la Sioune, de Chamail, dans le plateau duquel on était porté, est celui que le Verdon tranche de ses gorges, qu’on a été tout le temps à plus de 1 000 mètre d’altitude et qu’on domine maintenant le cirque de Vaumale, à mi-pente duquel se trouve Aiguines. C’est la sortie des gorges proprement dites, où deux départements, Var et Basses-Alpes, dont elles sont frontière, se disputent le « Sublime » : le Var ayant, rive gauche, sa corniche « Sublime » – c’est du sublime de syndicat hôtelier et de conseil général -, et les Basses-Alpes, rive droite, plus modeste, leur « Point Sublime ».

On peut avoir la description de ces superlatifs et de ces « miroirs à chevaux-vapeur » dans tous les guides spécialisés. Ces gouffres n’apprennent rien à personne sinon que le vide donne le vertige et facilite d’émotion par mise en route de contractions dans les parages du plexus solaire ? Pour qui se sert de son âme (instrument de maniement délicat, j’en conviens, et qui exige une certaine pratique), le balcon au-dessous de Caumale offre des sensations moins communes quand on arrive à Canjuers.

Ici, le paysage n’est pas un wagonnet de scenic-railway ; il ne vous précipite pas, il vous accueille, avec générosité certes, et avec grandeur, très seigneurial, faisant joyaux de ses misères et modestie de ses beautés ; il ne vous propose pas fanfare et roulements de tambour, mais conversation ; il ne cherche pas à vous assommer, mais à vous séduire ; il ne vous prend pas pour un enfant, mais pour un « honnête homme » ; mieux, il s’adresse à vous comme à un mandarin de la vieille Europe, plus raffiné que les Chinois de la nouvelle Chine.

En bas, la vallée du Verdon a quelques centaines de mètre de large et les eaux sont couchées sur le sable comme une branche de menthe chargée de feuilles. »

Jean Giono, Provence, Gallimard, 1961

Evolution de l'urbanisation

Évolution du paysage du lac de Sainte-Croix
1952 1952
2017 2017

Le barrage et le lac ont profondément transformé le paysage en aval des gorges du Verdon. Occupant aujourd’hui une dizaine de kilomètres entre l’épisode du canyon au nord-est et des basses gorges du Verdon au sud-ouest, le lac a submergé une séquence de vallée alluviale dans laquelle la rivière pouvait divaguer. D’autres transformations majeures sont apparues : le village des Salles, en rive gauche, autrefois au centre d’un finage cultivé, a été ennoyé et reconstruit dans un style néo-provençal plus haut sur le versant. De village de vallée, il s’est retrouvé perché au-dessus du plan d’eau. En rive droite, le village de Sainte-Croix, accroché au versant de Valensole, dominait des coteaux et un fond de vallée cultivé. L’ennoiement lui donne désormais une position de village balnéaire, « les pieds dans l’eau ». Du fond de la vallée, les espaces cultivés se sont déplacés vers le plateau, en rive droite, prenant la place de formations arborées. En rive gauche, en revanche, la forêt et la garrigue ont gagné partout du terrain.

Carte des paysages

  • Picto Pano paysage

    • Un grand lac de barrage de plus de 2200 ha mis en service en 1974, en aval du site classé des Gorges du Verdon
    • Une réserve d’eau de 760 millions de m3 enserrée entre un plateau molassique formé de conglomérats et de loess et cultivé en rive droite (au nord-ouest), et des reliefs acérés taillés dans des calcaires parfois massifs, en tables karstiques ou plissés ailleurs
    • Une végétation de garrigue et de forêt de chênes verts et chênes pubescents sur les versants
    • Un paysage pittoresque montagnard aux caractères à la fois alpins et méditerranéens
    • Un bâti de qualité dans les villages groupés, mais un habitat qui se diffuse à leur proximité

  • Picto Pano menace

    • Une fréquentation importante du lac et des gorges, dommageable à la qualité des paysages et des milieux naturels
    • Un développement important des constructions « avec vue sur le lac »
    • Hors plateau de Valensole, une structure agraire traditionnelle (terrasses d’oliveraies et espaces ouverts sur les hauteurs) en déclin

  • Picto Pano protection

    • Des protections nombreuses pour un paysage exceptionnel : 9 espaces protégés par le Conservatoire du littoral, 1 site classé et 1 site inscrit au titre de la loi de 1930, une réserve naturelle régionale, une réserve géologique, un parc naturel régional (PNR du Verdon), une Opération Grand Site (OGS du Verdon)

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Séquences paysages